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Selon la dernière étude financée par les États-Unis pour « évaluer les progrès réalisés dans la réduction du travail des enfants dans la production de cacao », environ 1,56 million d’enfants travaillent actuellement dans les secteurs du cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana. Ce chiffre souligne l’ampleur du défi auquel nous sommes confrontés et met en évidence la nécessité de redoubler d’efforts. Si la forte prévalence du travail des enfants dans le secteur du cacao est très préoccupante, il y a des raisons d’être optimiste, car la recherche relève également plusieurs domaines dans lesquels des progrès ont été réalisés. Elle suggère également que là où des mesures sont prises, on observe des effets positifs, une conclusion étayée par d'autres études.


L'étude (financée par le Département du Travail des États-Unis et dirigée par le NORC à l'Université de Chicago) a été menée pendant la campagne cacaoyère 2018-2019. Si, pour ceux d'entre nous qui s'efforcent de lutter contre cette problématique, le fait que le nombre total estimé d'enfants astreints au travail est inférieur à ce que nous pensions auparavant (1,56 million contre 2,1 millions en 2013-2014) — et que cela signifie qu'il y a moins d'enfants vulnérables à risque — les chercheurs soulignent que les deux ensembles de chiffres ne sont pas comparables et que par conséquent, nous ne pouvons pas interpréter cela comme une réduction dans le temps ou une preuve de progrès. D’après un groupe d’experts indépendant mandaté pour examiner la comparabilité des résultats avec les enquêtes précédentes (et dont les observations peuvent être consultées en annexe), les estimations précédentes du nombre d’enfants astreints au travail des enfants étaient surestimées.

Le rapport montre que la prévalence du travail des enfants reste très élevée, avec environ 45 % des enfants vivant dans les zones de culture du cacao (38 % en Côte d'Ivoire et 55 % au Ghana) qui se livrent parfois au travail des enfants lié au cacao, la majorité d'entre eux (95 %) effectuant des tâches dangereuses telles que l'utilisation d'outils tranchants et le transport de lourdes charges.

Selon le rapport, la prévalence de travail des enfants lié au cacao dans l’ensemble des ménages des régions productrices de cacao a augmenté de 45 % au cours des dix dernières années, ce qui s’explique en grande partie par une augmentation de la proportion de ménages cultivant du cacao et du volume total de cacao produit (respectivement de 53 % et de 62 %). Au niveau des ménages producteurs de cacao, le rapport révèle que la prévalence de travail des enfants est restée largement statique au cours des cinq dernières années. Si cette récente stabilisation est encourageante, les chiffres restent élevés et nous rappellent qu’il y a encore beaucoup trop de ménages producteurs de cacao qui peinent à trouver des alternatives au travail des enfants, et beaucoup trop d’enfants qui ne peuvent pas jouir de leurs droits fondamentaux.

En plus des observations sur la prévalence globale de travail des enfants, le rapport NORC contient d’autres données précieuses provenant des communautés productrices de cacao. Par exemple, il démontre que l’accès des enfants à l’éducation s’est considérablement amélioré au cours des dix dernières années et suggère (grâce aux chiffres sur le nombre d’heures travaillées et le nombre de tâches dangereuses effectuées) que pour certains enfants, la gravité du travail des enfants diminue. (Pour plus d’informations et une analyse des données du rapport NORC 2018-2019, veuillez consulter le résumé technique de la fondation ICI).

Les données mettent également en évidence des domaines spécifiques particulièrement préoccupants sur lesquels le secteur devra à l’avenir se concentrer. Par exemple, l'exposition des enfants aux produits agrochimiques a augmenté de manière significative au cours des dix dernières années (les tâches que les enfants réalisent le plus fréquemment sont le transport d'eau à des fins de pulvérisation ou la présence sur l'exploitation durant ou après la pulvérisation). Les chercheurs attribuent cela à une utilisation accrue d’engrais, de pesticides et d’herbicides en parallèle à une augmentation significative de la culture du cacao. Cette constatation appelle urgemment à une meilleure sensibilisation sur les dangers associés à certains produits agrochimiques, la manière dont les adultes peuvent les utiliser en toute sécurité, la manière de protéger les enfants de leur exposition, et sur les pratiques agricoles alternatives à adopter.

Des progrès évidents, mais pas suffisants

Si la prévalence élevée et la persistante du travail des enfants dans le secteur du cacao soulignent l'énormité de la tâche qui attend des organisations comme l'ICI, ainsi que nos parties prenantes de l'industrie, du gouvernement et de la société civile, le rapport souligne que là où des mesures ont été prises, elles ont eu des effets positifs. Il conclut que « lorsque des interventions multiples ont été mises en œuvre dans les communautés, elles ont conduit à une réduction statistiquement significative des taux de travail des enfants et de travail dangereux des enfants dans la production de cacao. »

Une étude distincte menée par la même équipe de recherche du NORC, commandée par la World Cocoa Foundation, fournit des données approfondies sur les effets spécifiques des interventions de l’industrie sur le travail des enfants et suggère que le travail dangereux des enfants a été réduit d’un tiers dans les communautés où les programmes des entreprises sont en place. Ces conclusions viennent étayer les résultats de notre propre travail à la fondation ICI, qui montrent que nos systèmes de suivi et de remédiation du travail des enfants peuvent réduire de 50 % le travail dangereux des enfants parmi les enfants qu'ils identifient et que le travail de développement communautaire centré sur l’enfant peut conduire à une réduction globale du travail des enfants d’environ 20 % sur 3 ans.

Il s’agit de succès très importants qui représentent un pas en avant significatif en termes de compréhension du problème et de la manière de l’aborder. Toutefois, comme le révèle le rapport du NORC, ces derniers n’ont pas conduit à la diminution générale du travail des enfants dans le secteur visé. Cela est dû au fait que ces interventions n'ont pas encore été mises en œuvre à une échelle suffisante. En termes simples, ces efforts efficaces et multipartites ont eu du mal à atteindre tous les enfants à risque.

Développer ce qui fonctionne

Actuellement, nous estimons que seuls 20 % de la chaîne d’approvisionnement de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana sont couverts par des systèmes efficaces, soutenus par l’industrie, qui préviennent et remédient au travail des enfants. À la fondation ICI, nous sommes fiers d’avoir inspiré et guidé la première phase d’expansion de ces efforts au cours des cinq dernières années. Cependant, déployés à cette échelle, cela ne suffit pas. Il est désormais impératif d'étendre les systèmes et les activités de prévention et d'élimination du travail des enfants à 100 % de la chaîne d'approvisionnement du cacao si nous voulons avoir un impact véritablement sectoriel sur la réduction du travail des enfants.

Pour y parvenir, nous allons devoir travailler ensemble de manière plus coordonnée dans l'ensemble du secteur. Nous devrons continuer d’innover et d’apprendre afin d’identifier et d’améliorer les solutions efficaces et évolutives. Nous devrons promouvoir ces solutions en créant un alignement au niveau du secteur entier et en suscitant davantage d’actions et d’investissements de la part de toutes les parties prenantes. Et nous devrons renforcer les capacités des communautés, de la chaîne d’approvisionnement et des systèmes nationaux pour que ces solutions puissent être mises en œuvre. La stratégie 2021-2026 de la fondation ICI, récemment adoptée, a été conçue pour catalyser cette mise à l’échelle et nous sommes particulièrement encouragés par l’alignement que démontrent nos membres de l’industrie et de la société civile dans leur vision collective du progrès.

En dépit des défis réels et persistants révélés par le rapport du NORC, nous savons que des progrès ont été réalisés et que nous disposons d’une base solide sur laquelle nous appuyer. Les nouvelles lois sur la diligence raisonnable en matière de droits de l'homme élaborées et appliquées dans de nombreuses régions du monde (qui obligent les entreprises à évaluer et à traiter les effets négatifs sur les droits de l'homme dans leurs chaînes d'approvisionnement) changeront la donne, pour autant qu'elles se fondent sur des preuves, des expériences passées et des enseignements nouveaux sur la manière de produire un impact. Mais nous devons veiller à ne pas nous passer de modèles comme le nôtre, qui s'appuient également sur le pouvoir d'une collaboration volontaire, fondée sur des valeurs, entre des individus et des entités qui adoptent le changement, non pas parce qu'ils y sont obligés, mais parce qu'ils le veulent.

En fin de compte, comme l'indique clairement le rapport du NORC, nous avons encore un long chemin à parcourir. Nous n'y parviendrons qu'en partenariat, en unissant les forces du secteur privé, des gouvernements et de la société civile en vertu d'un principe de responsabilité partagée et vers une vision commune d'une chaîne d'approvisionnement où les droits des enfants sont pleinement protégés et où tous les enfants s'épanouissent. Le modèle de partenariat multipartite de la fondation ICI est aussi pertinent et nécessaire aujourd'hui qu'il l'était lors de sa création il y a près de 20 ans. Aujourd'hui, cependant, forts de notre connaissance de ce qui fonctionne et de ce qui doit être fait, et grâce à l'engagement aligné d'un nombre croissant d'alliés, nous sommes prêts à aider le secteur du cacao à progresser vers cet objectif ambitieux mais impératif.

Pour une analyse plus détaillée des chiffres, veuillez consulter le résumé technique du rapport NORC de la fondation ICI 

Blog de Nick Weatherill, Directeur exécutif de la Fondation ICI